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Chine. A quand la démocratie ?
Les illusions de la modernisation.
Hu Ping. Editions L’Aube, essai.
« (...) Il apparaît donc que laisser les gens jouir de la liberté ne se fait pas sans certains risques. Mais il est encore plus dangereux de dépouiller l’homme de la liberté car cela signifie accorder le pouvoir absolu à la minorité des gouvernants et le pouvoir absolu signifie également la corruption absolue. De plus, on dépouille les gens de la liberté, car on estime qu’ils ne sont pas assez mûrs, mais le résultat montre justement qu’ils ne pourront plus jamais mûrir. N’est-ce pas une énorme contradiction ? C’est pourquoi, lorsqu’ils organisent la société, les libéraux préfèrent, parmi ces deux possibilités, courir les risques de la première solution plutôt que ceux de la seconde... »
Qui se souvient encore de ce qui se disait naguère : le développement de l’économie chinoise apportera immanquablement, automatiquement, disait-on même, la démocratisation du système politique ? (...) la presse du monde entier s’extasie devant le « miracle chinois ». Qu’est-ce que ce fameux « miracle chinois », demande Hu Ping, si ce n’est l’alliance de la dictature et de l’économie de marché ? Hélas, cette alliance est des plus redoutables. Lorsque le pouvoir s’associe au marché pour garder les ouvriers sous son contrôle et les met au travail pour son enrichissement personnel, il peut devenir effroyablement efficace (...) écrit Marie Holzman, préfacier et traductrice de Hu Ping.
Chine : L’envers de la puissance.
De Cai Chongguo. Editions En clair Mango
« Beaucoup de capitales s’illusionnent sur la puissance militaire de la Chine. Certes, les informations manquent sur ce qui relève du secret d’Etat. Mais la réalité qui se dissimule sous celui-ci n’est pas aussi brillante que l’Occident ne le croit. Tous les équipements militaires (chars, avions de combat, fusils) fabriqués par l’industrie nationale l’ont été sur le modèle soviétique. (...) à partir de 1962, Moscou a bloqué les transferts de technologie ; l’industrie militaire chinoise s’est retrouvée paralysée, et l’armée, incapable de moderniser son armement. »
Depuis le début de l’année 2005, la Chine est à la une des journaux français et étrangers. (...) et [la presse] lui consacre des pages entières. Tous vantent ses performances économiques stupéfiantes, son ouverture sur l’extérieur, le bien-être croissant de ses habitants, et s’extasient sur sa puissance. Et tous s’inquiètent de la menace, notamment sur le plan commercial, que cette nouvelle Chine pourrait constituer pour l’Occident.
(...) le 11 juin 2005, une émeute fait six morts et plusieurs centaines de blessés près de la ville de Dingzhou (province du Hebei), à 100 km de Pékin. 300 hommes armés ont attaqué des paysans qui manifestaient pour récupérer leurs terres réquisitionnées par Guohua, une société de production d’électricité. Dans cette campagne, les manifestations durent depuis plus d’un an. Comme dans bien d’autres zones rurales : entre le 18 et le 26 juin 2005, plusieurs dizaines de milliers de chinois de toutes les provinces du pays sont venus manifester à Pékin, devant le bureau des plaintes, pour réclamer les terres dont ils ont été spoliés. Ce même 26 juin 2005, 10 000 personnes défilent dans les rues du district de Cizhou (province d’Anhui) et mettent le feu aux voitures de police, au commissariat. L’affaire a débuté par un simple accrochage : un de ces nouveaux riches que compte la Chine d’aujourd’hui a renversé un lycéen, avant de le frapper pour le punir des dégâts infligés à sa belle voiture par la collision. L’incident a tourné à l’émeute quand la police a pris le parti du conducteur. Presque chaque jour, des protestations, des grèves ouvrières ou des agitations paysannes, d’ampleur plus ou moins grande, se produisent en Chine. Wen Tiejun, un spécialiste des questions sociales, les évalue à 60 000 par an.
Ancien professeur de philosophie et dissident politique, Cai Chongguo a fui la Chine après Tian’anmen. Réfugié en France, il se bat pour promouvoir la liberté d’association et d’expression en Chine au sein de l’association China Labour Bulletin.
Le rire du chien
De Véronique Flanet. Editions Jean-Paul Rocher
« ...et si chaque Chinois possédait une mobylette ?... Les réserves pétrolières de la planète ne suffiraient pas à les faire rouler. Sans parler de la couche d’ozone...comme le manque d’eau, si grave déjà, qu’il risque d’entraver ce développement qui lui est si cher, et dont le Chinois ne veut voir que les beaux fruits... »
Frédéric Bobin. Le Monde, 14-15 août 05
« ...dans l’affaire iranienne [la crise nucléaire], la diplomatie chinoise n’entreprendra rien qui lui aliène une amitié avec Téhéran dont l’essor ces dernières années trouve sa source dans une obsession : le pétrole. Fruit amer de son miracle économique, la Chine est aujourd’hui aspirée dans une dépendance énergétique aux lourds enjeux géopolitiques. Depuis 1993, elle est importatrice nette d’or noir. Elle achète à l’étranger le tiers de ses besoins, un taux voué à passer à 50% en 2020 et probablement à 80% en 2030, selon les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). »
L’enfer du décor
Reporters sans frontières
« On peut y être emprisonné et torturé pour avoir enfreint la politique de l’enfant unique. Se voir “rééduqué” dans l’un des mille camps de travail (ou laogai, les goulags chinois) pour avoir, dans la rue, sur papier ou sur Internet, réclamé la démocratie. Atterrir pour une durée indéterminée en hôpital psychiatrique après avoir, comme Wang Wanxing, tenté de dérouler une banderole commémorative place Tian’anmen. Croupir des années en prison et au secret lorsqu’on tente de pratiquer le bouddhisme au Tibet ou de célébrer la culture ouïghoure dans la province (jugée séparatiste) du Xinjiang. »
Chine trois fois muette
Jean François Billeter. Editions Allia
« Ce développement sauvage eut des conséquences écologiques gravissimes dans les campagnes et dans les villes. On sait que huit ou neuf des dix grandes villes les plus polluées du monde sont chinoises. Le logement, l’approvisionnement ont fait de grands progrès, mais la qualité de la vie s’est profondément dégradée par d’autres côtés : l’instruction publique est arriérée et chère, les soins médicaux sont devenus ruineux, la corruption, la dureté en affaires, l’incivilité, l’insécurité s’imposent et provoquent le repli sur la famille, au milieu de laquelle trônent désormais l’enfant unique et l’écran de télévision. (...) la société chinoise est désormais complètement soumise à la même logique économique que la nôtre. Ceux qui contrôlent les capitaux imposent dorénavant, comme ailleurs, la transformation de tous les rapports sociaux en rapports marchands. Ils le font pour assurer la rémunération du capital et son accroissement. Qu’ils le veuillent ou non, qu’ils en aient conscience ou non, la finalité de leur action est de réorganiser la société de façon à ce que toute l’activité sociale devienne rémunératrice pour eux. C’est à ce moment-là qu’elle sera devenue entièrement rationnelle de leur point de vue. Chaque fois qu’il faut faire un choix, ils sont désormais en mesure de faire prévaloir celui qui rapportera la plus grande plus-value. La promotion de la circulation automobile en Chine en est un exemple. Le remplacement du thé par les boissons froides à l’américaine est tout aussi caractéristique. (...) Il ne reste plus grand-chose des traditions, des structures sociales, des formes d’association antérieures, et les seules traces qu’on en voit encore, dans les campagnes surtout, sont soit des vestiges isolés et menacés, soit des restaurations appauvries, souvent perverties. (...) L’imaginaire dominant est désormais le même qu’ailleurs. Il est aussi pauvre, et aussi dangereux par cette pauvreté même. »
« Appropriation privée » ne signifie pas que les richesses détournées soient devenues des biens privés juridiquement reconnus et protégés. Le détournement s’est fait selon des voies indirectes et tortueuses. Il a été minutieusement analysé par une économiste chinoise, He Ts’ing-lien (He Qinglian), dans un livre qui est paru à Hong Kong en 1997 (Ed. Mingjing) sous le titre Zhongguo de xianjing (Le piège chinois) et l’année suivante à Pékin (Ed. Jinri Zhongguo) sous celui de Xiandaihua de xianjing (Le piège de la modernisation). Cet ouvrage, qui a fait sensation, a été rapidement vendu à des centaines de milliers d’exemplaires. Il a pu paraître parce que l’auteur s’abstient de mettre en cause les dirigeants. Voir « A Great Leap Backward ? », compte rendu publié par Liu Binyan et Perry Link dans The New York Review of Books du 8 octobre 1998. Vingt ans après le début des réformes, écrivent-ils, « le parti a certes perdu une partie de son pouvoir ; il ne l’a pas fait au profit des citoyens, mais d’une nouvelle classe de requins (a new robber-baron class) qui s’allie maintenant avec lui contre le règne de la loi. » En 1997, la Banque mondiale estimait à 10 milliards de dollars la valeur des biens de l’Etat vendus en dix ans à des intérêts particuliers, en toute illégalité ou par des arrangements obscurs (selon Roland Lew, dans le Monde diplomatique de novembre 1997).
Chine, le livre noir
Documents réunis et présentés par Reporters sans frontières. Editions La découverte
Scandale du sang contaminé dans le Henan et collectes de sang à risque en Chine.
L’affaire a commencé à être connue à l’été 2000, lorsque plusieurs journaux chinois ont publié des papiers sur l’étendue du VIH dans le Henan, en lien avec les ventes de sang dans des villages. Par ces collectes de sang, la Chine cherchait à tirer profit du lucratif commerce mondial de plasma sanguin. Peu après, les médias occidentaux se sont emparés de l’affaire. (...) L’industrie biotechnologique n’a pas réussi à créer de version synthétique de plasma humain. La demande mondiale en plasma est donc énorme. Etant donné la gigantesque réserve de plasma humain que représente la population chinoise, l’industrie biologique du pays étant bien placée pour profiter de cette demande (voir note).
En conséquence, les pouvoirs publics locaux en Chine ont organisé des collectes de sang dans les villages. Des campagnes de publicité ont été menées [de nombreux paysans, miséreux, comptaient sur les dons de sang pour compléter leurs maigres revenus]. (...) Dans le Henan, le sang des villageois était collecté et mélangé, pour ensuite séparer le lucratif plasma du reste afin d’être vendu. Le mélange des cellules sanguines restantes était réinjecté aux donneurs pour prévenir toute anémie et permettre aux villageois de donner plus souvent, parfois plusieurs jours de suite pour certains. Puisqu’on a mélangé le sang de nombreux villageois, même si seuls quelques-uns étaient séropositifs, la maladie a été rapidement diffusée, via les réinjections, chez un vaste nombre de personnes. En outre, le VIH a parfois pu être transmis par l’utilisation d’un matériel contaminé dans la collecte du sang. (...) Ce sont les responsables locaux et provinciaux de la santé publique qui ont encouragé et promu la collecte de sang parmi les paysans. Certains responsables sanitaires du Henan se sont personnellement engagés dans le développement de cette industrie.
Note : La question, à notre sens, est pourquoi justement LA population chinoise et non une autre ? Les hommes d’affaires, le pouvoir en Chine se sentiraient-ils plus propriétaires, plus libres envers la population, que dans d’autres pays ou continents. Nous avons eu ici notre scandale du sang contaminé, responsables mais pas coupables, disaient-ils.
Le sang de la Chine
Quand le silence tue. De Pierre Haski, avec les photographies de Bertrand Meunier. Editions Grasset
Lorsqu’au début des années 90, les responsables de la santé du Henan, province de près de 100 millions d’habitants, décidèrent de se lancer dans le commerce du sang, ils pensaient avoir eu une idée de génie : il s’agissait à leurs yeux de développer une nouvelle activité économique dans une province essentiellement rurale et en retard par rapport aux régions côtières. (...) Le résultat est que les paysans pauvres du Henan ont été contaminés en masse, par le VIH, et par l’hépatite B et C, par centaines de milliers en vendant leur sang. (...)
Début 2001, (...) nous pensions que c’était un problème local limité. (...) Nous avons visité dix villages, et nous avons découvert l’ampleur du problème. Une femme nous a raconté que son mari, mort depuis, était devenu un vendeur professionnel de sang. Il était enfermé dans l’enclos aux cochons d’une maison, avec d’autres vendeurs de sang. Ils étaient nourris dans l’enclos. Il y a eu une révolte, ils ont voulu s’enfuir, la police a tiré en l’air. C’était en 2001, le commerce du sang continuait clandestinement, avec le soutien d’officiels. Il fallait révéler ces histoires (...) Le succès, depuis 1989, n’est jugé que par l’argent et la position sociale...
[Atteint lui-même par le VIH] il se fait appeler « Thomas », un anonymat qu’il juge encore nécessaire pour pouvoir agir... il a tenté d’aller plus loin, en ouvrant une “maison de l’amour” (jeu de mots en chinois autour de “maison du sida”) pour abriter des séropositifs sans domicile ni revenu. Pour la plupart, des drogués, condamnés à une mort rapide. L’aventure a tourné court, car, rapidement, les voisins ont compris qui venait de s’installer près de chez eux et les ont chassés. Dans un cas, la police et la population les ont mis dehors en pleine nuit, jetant leurs affaires dans la rue... Il a poursuivi cette expérience, plus discrètement.
Psychiatrie en RPC
Politique, médecine, dérive de la psychiatrie en République populaire de Chine.
Dr. Michel Hammer, Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales, Genève.
Qu’est-ce qu’un malade mental ? C’est un homme qui a préféré devenir fou plutôt que de forfaire à une certaine idée supérieure de la dignité humaine. C’est ainsi que le pouvoir chinois (entre autres) a jeté dans les hôpitaux psychiatriques tous ceux dont il a voulu se débarrasser, comme ayant refusé de se rendre complices de certaines bassesses.
(...)
La psychose politique ou pathologie politico-mentale (...) c’est le triomphe de la psychiatrie institutionnelle. Dans l’optique de la psychiatrie institutionnelle, l’individu éclectique dans ses choix devient un sujet de méfiance et de suspicion, à plus forte raison s’il conteste ou transgresse l’ordre établi dans son soubassement conventionnel. Ainsi, la santé mentale a partie liée avec les préceptes d’une certaine vision du monde et la pathologie ne s’inscrit pas dans l’homme mais fondamentalement entre les hommes, donc dans la société. Ce constat est primordial et décisif. Lorsqu’une instance dotée de prérogatives suprêmes entend exclure des individus, elle leur applique des étiquettes infamantes, véritables assommoirs sémantiques. En dernière analyse, pour l’Etat bureaucratique à tendance totalitaire, la meilleure identité est la non-identité.
(...)
« Il n’y pas de médecins dans les établissements psychiatriques : on n’y trouve que des geôliers. A leurs yeux, guérir n’est qu’une forme d’adaptation répressive à l’ordre contraignant établi ». « Ce qui est grave, c’est que les diagnostics psychiatriques peuvent être utilisés comme des assommoirs sémantiques. Briser la dignité d’un individu le détruit aussi efficacement que de lui briser la nuque. Classer une personne, c’est l’aliéner ; c’est lui ravir son humanité et la transformer en chose ». « Ma vie est passée. Maintenant il n’y a plus rien. Maintenant je suis guéri mais la vie c’était avant. Je n’ai pas besoin d’avenir. J’ai été ». « On a voulu que je sois un schizophrène ; alors je me suis conduit comme tel. J’avais appris qu’il valait mieux ne pas contredire mon « médecin-procureur, si je voulais éviter les électrochocs ». Dans le désordre indescriptible de la nuit de la répression armée, l’arbitraire est roi. Dans la frénésie des arrestations, les psychiatres commis d’office en viennent à compléter ou à enrichir le concept de folie de désordres pathologiques annexes qui ne reposent sur aucune investigation scientifique. Tout se passe comme si cette redondance nosographique avait pour objet de corroborer le sérieux et la rigueur de leur démarche. Vociférations hallucinatoires, troubles obsessionnels compulsifs, psychose confusionnelle, décharges motrices, ataxie psychique, état crépusculaire oniroïde, etc. Tels sont quelques-uns des termes que consignent les praticiens après que les organes de sécurité leur ont « confié » les perturbateurs les plus récalcitrants. La société est saine, celui qui la conteste et la dénigre est atteint de démence. A vrai dire, aucun de ces diagnostics ne résiste à l’examen : on observe, une fois de plus, que la notion de symptôme mental est tributaire de la société et particulièrement de la morale propre à cette dernière, de même que la notion de symptôme physique est attachée au contexte anatomique et génétique. Sous le regard des « praticiens-procureurs », la fonction punitive de la psychiatrie domine entièrement ses possibilités thérapeutiques. Elle consolide la dictature de la norme.
Peine de mort en Chine
Par Marie Holzman
Le régime chinois exécuterait en moyenne quinze mille personnes par an. Un chiffre aussi terrifiant qu’invérifiable puisqu’il relève du secret d’Etat. Les tribunaux de Chine populaire condamnent à la peine de mort des criminels, des trafiquants, des opposants, des officiels corrompus et surtout beaucoup d’innocents. Avec un mépris sans pareil pour les traités internationaux et les pressions européennes notamment, le gouvernement de Pékin utilise la peine de mort non pas pour lutter contre la criminalité, mais pour maintenir la terreur.
Articles tirés de rapports annuels d’Amnesty international
En 2005. L’application de la peine capitale était toujours aussi fréquente et arbitraire, et résultait parfois des ingérences du pouvoir politique. Des personnes ont été exécutées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et pour des crimes de sang, mais aussi pour des infractions ne relevant pas de la criminalité violente, telles que la fraude fiscale et les détournements de fonds. Les autorités ont maintenu le secret sur les statistiques relatives aux condamnations à mort et aux exécutions. (...). En mars, un membre éminent de l’Assemblée populaire nationale a déclaré que la Chine exécutait chaque année une dizaine de milliers de personnes. Cette année encore, l’absence de garanties élémentaires en matière de protection des droits des accusés a entraîné un très grand nombre de condamnations à mort et d’exécutions à l’issue de procès iniques. (...) En février, Ma Weihua, qui encourait la peine capitale pour avoir enfreint la législation relative aux stupéfiants, aurait été soumise à un avortement forcé en garde à vue afin que son exécution se déroule « en toute légalité ». La loi chinoise prohibe en effet l’exécution de femmes enceintes. Elle avait été arrêtée en janvier 2004 alors qu’elle était en possession de 1,6 kg d’héroïne. Son procès, ouvert en juillet, avait été suspendu après que son avocat eut fourni des informations sur cet avortement forcé. En novembre, Ma Weihua a été condamnée à la réclusion à perpétuité.
En 2006 : L’application de la peine capitale était toujours aussi fréquente et arbitraire, parfois en raison d’ingérences politiques. (...) Fin 2005, Amnesty International avait recensé, à partir des données disponibles, au moins 3 900 condamnations à la peine capitale et au moins 1 770 exécutions, mais tout portait à croire que ces chiffres étaient bien en deçà de la réalité. Au cours du premier semestre, la presse chinoise a fait état de plusieurs erreurs judiciaires dans des cas de condamnation à la peine capitale. Ces révélations ont suscité une forte agitation sociale, ainsi qu’une volonté de réforme. Ainsi, en septembre, une responsable de la Cour suprême a annoncé la mise en place de trois tribunaux chargés de réexaminer les condamnations à mort. Auparavant, cette tâche était déléguée aux tribunaux de première instance, une pratique qui restreignait les garanties contre une procédure inéquitable. De hauts responsables ont estimé que cette mesure devrait faire diminuer le nombre des exécutions de 30 %. Cependant, les autorités considéraient toujours les statistiques sur les condamnations à mort et les exécutions comme des secrets d’État, ce qui rendait difficile le travail d’observation et d’analyse en la matière. Wang Binyu, un travailleur migrant du Gansu, a été condamné à mort dans la région du Ningxia au mois de juin pour avoir poignardé son chef d’équipe et trois autres personnes lors d’une violente altercation au sujet de salaires impayés. Selon les informations recueillies, Wang Binyu avait besoin de l’argent afin que son père puisse subir une opération. Il a été exécuté en octobre, malgré des appels à la clémence lancés dans les médias chinois, notamment par des universitaires.
Trafic d’organes et tourisme médical
Extrait d’une enquête sur un crime d’État économiquement rentable, Jean Philippe Bonan.
Shi Bingyi, vice-président de l’Association médicale de greffes d’organes en Chine, affirme qu’il y a eu en Chine environ 60 000 transplantations entre 2000 et 2005 (1). D’ou viennent ces organes ? On sait que, pour des raisons culturelles, très peu viennent de donateurs chinois consentants (2). Le gouvernement chinois a déjà confirmé indirectement ce point en affirmant que certains organes viennent des condamnés à mort. Les deux sources officielles mentionnées, donateurs volontaires et condamnés à mort, ne peuvent pas expliquer le nombre de 60 000 greffes en 6 ans (3). Pour rappel, le nombre officiel d’exécutions capitales en Chine est de 1 600 par an, soit 9 600 pour 6 ans. En fait, les sources identifiées de greffes d’organes peuvent expliquer 18 500 greffes pour la période 2000/2005. Il y a donc 41 500 greffes dont la source est inconnue ; comment les expliquer ? Trois réponses s’imposent : soit le nombre d’exécution capitale est très fortement supérieur au chiffre officiel, soit il est recouru massivement à des prisonniers pour fournir en organes les différents centres de transplantation, soit -pour les prélèvements non létaux-, l’exploitation de « volontaires » pauvres est organisée. (...)
Le site Internet China International Transplantation Network Assistance Centre reste encore très instructif sur le commerce international de la transplantation. L’article de Bruno Philip « Au cœur du trafic d’organes en Chine » publié dans Le Monde du 25 avril 2006 fait état : « La publicité en ligne sur le site du Centre international d’assistance à la transplantation de la ville de Shenyang, dans le Nord-Est chinois, affiche sans complexe la couleur : “Donneurs d’organes disponibles immédiatement ! Contactez-nous avant de tomber très malade ! Un conseil : sachez qu’en décembre et en janvier, c’est la bonne saison, quand le nombre de donneurs est le plus élevé ; cela vous permettra d’attendre le minimum de temps avant de vous faire greffer un organe”. » Nous savons que les greffes de donateurs morts depuis longtemps ne sont pas viables en raison de la détérioration rapide des organes après le décès. Si l’on prend ces publicités d’hôpitaux telles qu’elles sont présentées, elles indiquent qu’un certain nombre de personnes toujours vivantes sont disponibles presque sur demande comme sources d’organes. Sachant que le temps indiqué pour la survie d’un rein est comprise entre 24 et 48 heures et, pour un foie, d’environ 12 heures, la présence d’une immense banque de reins et de foies de « donateurs » vivants est la seule façon dont les centres de transplantations chinois peuvent assurer une si courte durée de temps d’attente à leurs clients. (...).
Nous savons que des organes sont prélevés sur des condamnés à mort « avec leur autorisation » pour être transplantés après forte rémunération à de riches Chinois ou étrangers. Cette affirmation indiscutable car venant directement du gouvernement central pose un problème éthique bien plus large que celui de la justification ou non de la peine capitale. Comment croire à la capacité de prisonniers de s’opposer aux prélèvements, quand on connaît l’absence de leurs droits dans ce pays. De plus, dans ces cas précis, les exécutions capitales deviennent sources de profits pour le système qui les a promulgués. La notion de justice ne peut qu’en être très fortement altérée. Comment discuter du bien fondé d’une décision aussi grave qui a pour répercussion l’enrichissement financier du système ? Le prisonnier est-il condamné à mort parce que son crime le justifie selon les lois du pays ou parce que le pays a besoin de devises ? Dans ce cas, la peine de mort n’est plus seulement un châtiment, elle est aussi source de revenus pour l’État et/ou ses fonctionnaires. Donc, plus on exécute, plus on gagne de l’argent. Nous sommes là sur la première marche de l’abomination, quand l’exécution d’un individu ne coûte plus d’argent à la société mais en rapporte, ce n’est plus un acte de justice mais une action commerciale. Une fois que la communauté internationale a accepté ce changement de genre, il ne reste plus qu’à prolonger le raisonnement. Que faire quand l’offre d’organes venant des prisonniers de droit commun ne suffisent plus à répondre à la demande ? Après les droits communs, viennent naturellement les prisonniers politiques (c’est l’étape actuelle semble-t-il), puis vient le tour des asociaux (handicapés, indigents), avant de se réveiller un beau jour dans une société cannibale où « l’élite » s’approprie de droit les organes des pauvres. (...) Nous n’avons pas affaire ici à des camps de concentration comme nous avons pu le lire mais à des fermes d’élevage où des êtres humains attendent l’abattage. (...). Depuis 1984, l’article 3 d’une autre « réglementation temporaire concernant l’utilisation des cadavres des prisonniers exécutés » indiquait déjà que les organes de ces derniers ne pouvaient être récoltés que sous trois conditions : soit parce que le condamné l’acceptait, soit parce que la famille refusait d’enterrer ce dernier, soit parce qu’aucun proche n’était venu réclamer son corps. Si cet article avait été appliqué le nombre de greffons disponible aurait chuté très fortement.
(1) Les greffes de reins représentant à elles seules 5 000 opérations par an, selon China International Organ Tranplant et le China Daily.
(2) Bien que le gouvernement chinois ait commencé à encourager la donation d’organes dès les années 1950, la société n’a pas répondu. Jusqu’ici, il y a seulement 9 380 donateurs enregistrés dans l’ensemble du pays.
(3)Pour information, en 2005 en France, on a pu réaliser 4 238 transplantations à partir d’un total de 1 371 donneurs en état de mort cérébrale (car plusieurs organes sont prélevés), nous sommes loin des ratios chinois.
Good bye Mao ?
De Frédéric Bobin. Editions de la Martinière
L’écrasement sanglant du printemps démocratique de 1989 a montré jusqu’où le Parti était prêt à aller pour pérenniser son monopole dirigeant. « Le pouvoir est au bout des fusils », disait Mao, et ses héritiers n’ont pas oublié la leçon. (...) Le PCC a ainsi scellé avec les Chinois un nouveau contrat social. Il n’a pas hésité à liquider son héritage ouvriériste pour mieux s’arrimer aux groupes sociaux émergents -classes moyennes, entrepreneurs-, auxquels il offre de généreuses perspectives d’enrichissement tout en leur ménageant de nouveaux espaces de respiration privée. En échange, la loyauté politique au Parti doit être totale, indiscutée. Ce mariage d’intérêts entre la vieille élite communiste, gardienne de la stabilité politique, et la nouvelle élite économique, créatrice de richesses, est le ressort profond de la stratégie de survie du PCC.
La Chine sera-t-elle notre cauchemar ?
De Philippe Cohen et Luc Richard. Editions Mille et une nuits
Un nouveau miracle chinois fascine les médias. La Chine est célébrée à la fois comme le tout prochain leader des nations, l’atelier du monde et son plus grand marché. (...) Alors que la manipulation des chiffres à laquelle les experts se livrent transforme ce pays en une abstraction tour à tour fascinante et menaçante, portée par le fanatisme de la puissance. (...) il nous est apparu que la société chinoise représente l’idéal le plus achevé du projet néolibéral dans ce qu’il a de plus caricatural. La Chine offre le spectacle de l’accouplement du néolibéralisme et du communisme. Ce monstre hybride est censé « nous réveiller » afin de nous rendre compétitif. Si la Chine est notre avenir, autant regarder dans le détail ce qu’il nous promet.
L’empire des bas-fonds
Liao Yiwu. Editions Bleu de Chine
Il faut le savoir : vous ne sortirez pas indemne de la lecture de ce recueil. Il y a là trop de désespoir, trop de souffrances, trop de cynisme, mais aussi trop d’humanité accumulés dans ces quelques pages, dit Marie Holzman, préfacière et traductrice de Liao Yiwu. Dans L’empire des bas-fonds, plein d’humour aussi, on rencontre des proxénètes, des putains et des condamnés à mort. Mais s’y trouvent également relégués des instituteurs de campagne, de vieilles intellectuelles, des gastronomes d’un genre particulier... En une série de portraits, à l’aide d’entretiens, Liao Yiwu décrit une réalité surprenante, à des années-lumière de la Chine du business et des quartiers riches de Shanghai ou de Pékin.
Dans presque chaque interview, Lao Wei laisse glisser une remarque ou une question très « politiquement correcte ». C’est aussi une façon de contourner la censure, que l’innocent Occidental ne s’y trompe pas, les Chinois sont passés maîtres dans l’art de prêcher le faux pour dire le vrai.
La Société du Spectacle
Guy Debord. Traduit en chinois par Wang Zhaofeng et édité aux éditions de l’Université de Nankin
Jamais éditée en Chine continentale, la première édition traduite en chinois de la Société du Spectacle, est sortie en librairie en mars 2006, avec les Commentaires sur la société du spectacle et d’autres textes de Guy Debord L’ouvrage ayant connu un réel et enthousiasmant succès de librairie a été très rapidement épuisé. Une deuxième édition est prévue pour juin 2007, sans les Commentaires (une autre maison d’éditions chinoise qui en avait les droits devrait s’en charger).
En septembre 2006, dans le cadre du deuxième Salon du Livre Sino-Taiwanais, qui s’est tenu à Taibei du 20 au 24 septembre, quatre représentants de grandes librairies et maisons d’éditions taiwanaises ont été conviés par les organisateurs de ce salon (qui réunit plus de 300 maisons d’éditions) à sélectionner, pour la Chine et pour Taiwan, les 10 meilleurs auteurs chinois et les 10 meilleurs auteurs taiwanais, ainsi que les 10 meilleurs ouvrages chinois et les 10 meilleurs ouvrages taiwanais, livres et auteurs que chacun des libraires recommande aux lecteurs des deux pays. La sélection porte sur des ouvrages écrits ou traduits en Chine ou à Taiwan et publiés dans les deux dernières années. La traduction chinoise de la Société du spectacle est arrivée en deuxième position des 10 meilleurs de Chine Populaire.
Guy Debord, la révolution au service de la poésie
Vincent Kaufmann.
Doit être traduit en chinois et édité par cette même maison d’éditions de l’Université de Nankin.
Maos
Roman de Morgan Sportès. Editions Grasset
1975, les anciens maos commencent à se ranger des voitures, ils enterrent leurs idéaux et leurs cocktails Molotov, découvrent le plaisir, l’argent, le pouvoir : les chiens hurlants du marxisme-léninisme deviennent les chiens couchés du nouveau capitalisme -ou ses caniches de garde. Jérôme est de ceux-là : il a naguère posé des bombes, participé à des enlèvements, crié « vive la révolution culturelle prolétarienne chinoise ». Aujourd’hui il a un bon emploi dans l ’édition, une fiancée cadre dynamique, un cabriolet, un appartement et il veut des enfants. Etre comme tout le monde enfin. N’être plus un héros : jouir ! Mais son passé le rattrape. Des anciens camarades, purs et durs, veulent le réintégrer dans leur bande. Un certain « Obelix » lui remet un révolver enveloppé dans du papier kraft... Ainsi commence ce roman haletant. Jérôme s’affole. Mais qui sont ces ex-camarades qui le persécutent ? Sont-ils manipulés ? Par qui ? N’auraient-ils été tous, depuis toujours, que des marionnettes programmées par une main invisible ? Au fil de ce roman, construit comme un thriller détourné, nous sont révélées les coulisses de ces années de plomb : magouilles des services secrets, polices parallèles, terrorisme, provocations, ententes apparemment contre nature : Mao, Nixon, Brejnev. Les individus se métamorphosent en pantins d’un théâtre d’ombres.
de L'Achèvement
Réalisé par Flocon de toile.