Accès rapide
Accès rapide
« Behrouz Safdari écrit et traduit en persan, ou vice versa, des textes en résonance avec la critique radicale et la poésie vécue. »
1
pour une
internationale
du genre humain
ÉDITION PERSANE
raoul vaneigem
pour une
internationale
du genre humain
ÉDITION PERSANE
TRADUCTION DE BEHROUZ SAFDARI
PRÉFACE DE L’AUTEUR ET
INTRODUCTION INÉDITES EN FRANÇAIS
L’or des fous
Editeur
© Le Cherche midi, collection Amor Fati, Paris, 1999. ISBN : 2-86274-670-3
© Gallimard, Folio actuel n°86, Paris, 2001. ISBN : 2-07-041333-0
© L’or des fous éditeur, 2005. ISBN : 2-915995-01-X EAN : 9782915995015
La traduction en persan de cet ouvrage a été encouragée par une subvention accordée par la Communauté française de Belgique.
Cette publication a été soutenue par l'association Libertad, Ivry-sur-Seine.
Achevé d’imprimer le xx août2005
par l’imprimerie La Vallée
à Aoste - Italie
pour le compte de L’or des fous Editeur,
Dépôt légal : août 2005.
Préface à l'édition persane
de Pour une internationale du genre humain
Il n'est pas de pays, de région, de ville qui demeurent aujourd'hui isolés du reste du monde. Une communauté disparate s'est lentement constituée, qui a la terre pour patrie. Nous sommes tous, que nous le voulions ou non, citoyens d'une planète qui chaque jour nous devient, paradoxalement, de plus en plus étrangère.
Nous foulons une terre dévastée et polluée par les eaux sales du calcul égoïste. À mesure que la moindre rue débouche sur les cinq continents, que le local s'ouvre sur le global, les ruines s'accumulent sous nos pas. Le déferlement de la marchandise a effacé les repères traditionnels en réduisant les valeurs sociales, religieuses, idéologiques et morales à la seule valeur d'échange, à un prix.
Aux barbaries qui n'ont que trop ensanglanté l'histoire des hommes succède une barbarie moderne, marquée par la glaciation de l'argent. Se substituant aux pouvoirs ancestraux, les fluctuations boursières tendent à déterminer le cours quotidien des destinées individuelles et collectives. Si bien que nous assistons à un affrontement planétaire entre la sauvagerie du passé et la froide férocité que propage l'économie mondialisée. C'est là un choix que nous révoquons. Notre combat est ailleurs, dans un autre monde, le nôtre.
Dans le même temps que s'exacerbe l'oppression économique, une idée suit son cours. Elle est si familière qu'elle reste méconnue. Elle est dans l'air du temps et elle n'a pas l'audace de se faire reconnaître, bien qu'elle hante les imaginations et nourrisse les espérances, de Téhéran à New York. Elle affirme simplement qu'il n'est pas un homme, pas une femme, pas un enfant qui ne soient nés pour être heureux et pour créer autour d'eux des conditions propices au bonheur de tous.
Une telle aspiration n'est pas nouvelle. Un grand nombre d'idéologies et de religions ont diffusé des messages d'amour, des appels à la fraternité, des exhortations à la solidarité. On sait comme ils se sont égarés et corrompus telle une semence répandue sur un sol stérile. Or, ce sol, c'est nous-mêmes, c'est notre vie quotidienne, c'est le terrain existentiel qu'il est temps de reconnaître enfin comme la seule terre capable de fertiliser les idées dès qu'elle est irriguée par la vie.
La totalité de nos entreprises ne devrait tendre, selon l'arc et la flèche du désir, qu'à cet unique objectif : devenir sans cesse et sans réserve plus humain. La richesse d'une nation ne se mesure pas à la prospérité de son économie, elle s'estime à la qualité de la vie de sa population. Ce qui est en train de se réinventer, au-delà du délabrement des êtres et des choses, c'est l'homme. L'internationale du genre humain n'a d'autre assise que l'aspiration de chacun à une vie meilleure, en quelque partie du monde que ce soit.
Raoul Vaneigem
Mai 2002
Mise en perspective à vol d'oiseau pour situer cette traduction*
De la mission en Perse d'un sénateur vénitien, dans la deuxième moitié du XVe siècle, auprès d'AmirHassan-Beig, alias Ozoun-Hassan, à l'arrivée des frères Sherly vers la fin du XVe siècle, suivie du départ vers l'Espagne, en leur compagnie, d'Orouj-Beig devenu là-bas le «Don Juan persan » ;
du voyage de Danguiz-Beig en Espagne et au Portugal et, dès son retour, sa mise à mort par mutilation sur ordre de Chah-Abâs au suicide de Naqdali-Beig de peur du châtiment lors de son retour de Grande-Bretagne au début du XVIIe siècle ; de l'envoi, sous le règne des Farâhânis et d'AmirKabir, d'étudiants en Angleterre et en France, et d'ouvriers en Russie à l'arrivée des conseillers militaires étrangers ;
de la traduction de «Diakerte» (Descartes) par Molla Lâlehzâr avec la collaboration du comte de Gobineau à l'inspiration des modernistes iraniens des œuvres des Lumières au début de la Révolution constitutionnelle où «les jeunes passionnés, portant sous le bras un traité de la Révolution française, s'appliquent à jouer le rôle de Danton et de Robespierre» ; et enfin, sous une forme plus élargie au XXe siècle, l'apparition, sur le plan de la conscience poétique et littéraire en Iran, de deux tournants singuliers incarnés par Nimâ et Hedâyat.
Ce sont dans l'ensemble des moments d'un processus désuni et inachevé marquant notre subjectivité vers un «devenir moderne » resté toujours anachronique. Depuis quelques siècles notre conscience entre dans une ère où elle ne peut plus se replier sur soi, enclose dans une muraille de Chine de Soi, se contentant de « ce qu'elle eut[1]». Tout au long de ce processus, notre principale source «étrangère et hors de nous », notamment dans le domaine de la pensée et de l'art, aura été cette contrée baptisée de prime abord, « Farang[2]», tant nous paraissait étrangement fascinant ce pays de France.
Pendant cette même époque, après la domination coloniale exercée à l'échelle mondiale par les pouvoirs hollandais, portugais, espagnol et belge, et à la suite de bien des dévastations et de massacres, d'autres États comme la Grande-Bretagne, la France, la Russie, les États-Unis, l'Allemagne et l'Italie ont continué le façonnage géo-politico-économique de la planète selon le mouvement inhérent du système qui les dominait. Ils ont ainsi mis le monde non seulement à feu et à sang mais en merde. « Et quand je parle de merde, écrit Félix Guattari, c'est à peine une métaphore : le capitalisme réduit tout à l'état de merde. » Cependant, durant cette même période, les apports les plus déterminants, tant dans le domaine artistique que dans celui des connaissances, sont issus de ces mêmes sociétés où règne le culte de la plus-value capitaliste. En histoire comme en biologie, la vie paraît pousser de la boue. Marx n'aura pas eu toujours tort.
Le symptôme hamletien, consistant à ne comprendre l'existence qu'en termes de « ou, ou » et non pas « et, et », provoque entre autres la suppression de l'œil composé, du regard multiple, et du même coup finit par ignorer la nature labyrinthique de la vie. Une brève analyse critique des attitudes dominant l'intelligentsia iranienne montre que, de la curiosité étonnée initiale à l'effilochement de la théorie de « la maladie d'occidentalisation », aboutissant plus récemment à la post-modernisation de nos intellectuels entrant ainsi en résonance avec le clergé au pouvoir pour dénoncer la « modernité », un amalgame idéologique fait d'hostilité et d'adoration n'a cessé de produire, sur le lit de fantasmes et d'illusions, un dur désarroi dans le domaine de la pensée, de la poésie et de la connaissance, et d'engendrer une pesante lenteur et un retard historique dans la prise de conscience de la critique radicale. Cette confusion s'avère frappante par la domination d'un regard manichéen sous la double forme d'une sacralisation et d'une satanisation de l'évolution historique des sociétés occidentales. Évidemment aucune de ces polarisations idéologiques n'est en mesure de discerner la positivité ou la négativité des phénomènes dans ces sociétés. Mais s'il est vrai que la dure réalité quotidienne de la société théocratique iranienne a quasi automatiquement poussé la population à discréditer l'hostilité idéologique, l'ignorance vraie et feinte s'est considérablement renforcée chez les thuriféraires de la démocratie de marché. Ainsi des informations de supermarché assaisonnées d'analyses de presses mafieuses continuent-elles à présenter l'Europe comme étant encore à l'époque des Lumières afin de dissimuler ce fait partout évident que depuis fort longtemps déjà, la batterie produisant l'illusion et l'oppression, l'obscurantisme et le totalitarisme, se charge aussi dans les banques des exportations de la démocratie occidentale.
Cette ignorance vraie et fausse condamne d'anathème toute critique radicale portée contre les démocraties réellement existantes. Or la démocratie, du reste au sens authentique et non mafieux du terme, loin d'être un objectif en soi définitif, n'a jamais de sens ou de valeur autre que la possibilité qu'elle offre d'être dépassée en tant que jeu politique et de permettre aux collectivités d'êtres humains de s'émanciper historiquement en abolissant toute forme de domination maestrocratique. D'autant plus que la présence de cette domination et l'absence de critique et de combat efficace contre elle dans les démocraties existantes n'ont jamais été aussi vastes et intenses, et les infamies incessantes des pouvoirs politiques, de tous les partis, grands ou petits, de droite ou de gauche, extrême ou mesurée, sont en passe de réhabiliter comparativement tous les sales coups des autorités infâmes révolues.
Après la disparition de nos deux figures décisives gisant l'une à Youche, près de la mer Caspienne, l'autre au Père-Lachaise à Paris, l'inspiration de la poésie et de la littérature d'avant-garde persane à partir de mouvements radicaux français, n'a plus brillé que par son incapacité à s'approfondir et s'étendre. Ainsi, Sartre, Althusser et Régis Debré, en leurs pires moments, sont-ils devenus les représentants éternels de la pensée d'avant-garde française pour l'intelligentsia iranienne. La fièvre de « malrauxlogie » atteignit un tel degré que les approches théoriques et les fondements pratiques des mouvements les plus importantsdu XXe siècle – les dadaïstes, les surréalistes et les situationnistes, sans parler de leurs prédécesseurs fouriéristes par exemple – restèrent entièrement ignorés. Et cela non pas seulement en Iran mais aussi chez les lettrés iraniens de la diaspora de nos jours jusqu'au Paris intra-muros.
Mais calmons-nous pour nous intranquilliser autrement. La même ignorance est reproduite et maintenue au cœur des lieux de naissance de ces mouvements. Au moment où les pollutions et la mort frappant les ressources naturelles de la planète atteignent aussi les pensées et où l'étendue réelle de la dévastation dépasse sa fiction, l'aspect le plus efficace de la ruse de la raison, qui est l'effet le plus ruinant de la fausse conscience, se traduit par l'assimilation du sens classique de la fatalité tragique à la tragédie sociale et volontaire. L'homo œconomicus, prisonnier de l'idéologie du capital et du profit, considère sa soumission aux lois de l'exploitation économique comme une immuable fatalité. Le Petit homme économisé s'avise à l'emporter techniquement sur la fatalité de la mort mais considère comme tabou, hérésie et impossible toute tentative de soumettre l'économie au service du vivant. Au moment où tous les moyens sont réunis pour que l'humanité puisse, par la réconciliation avec elle-même et la nature, via la conscience et la culture, réaliser son paradis et son Noël sur terre, l'homme aliéné se trouve condamné à l'enfer de l'Économie en s'agenouillant sur ordre d'une idole qui ne reconnaît nul autre possible que la domination marchande. À mesure que s'élargit réellement la portée des connaissances et des possibilités de réalisation d'une communauté humaine tant rêvée dans les aspirations millénaristes, l'horizon des revendications s'étrécit et la soumission mentale s'intensifie. Les citoyens des démocraties spectaculaires subissent les méfaits sociaux avec le même désarroi que les hommes des grottes les fléaux naturels.
La pollution mortifère provoquée par la production industrielle à but lucratif ne se limite pas à la nourriture et à l'environnement ; la sphère mentale est le lieu pollué de reproduction des pires falsifications. Le kaléidoscope de faux débats entre les philosophes épris de l'air du temps, des scientifiques valets des pouvoirs, des artistes saltimbanques du «c'est la vie» justificatif, des journalistes cyniquement soumis, montre à satiété la compétitivité des médiocrités unidimensionnelles, des vedettes de la résignation par nécessité et de l'indignation par vertu. La faconde inefficace et le silence efficace orchestrés pour faire tout et ne rien dire ou dire tout et ne rien faire. Les statistiques comptent dix millions de personnes en France en détresse économique selon les critères d'accès aux biens matériels. Mais aucune étude sur la misère des subjectivités. Nulle analyse sur la quantité et surtout la qualité de la conscience et de la connaissance des citoyens. Les dépossédés privés de la conscience de leur dépossession. Cette fabrique d'ignorance de masse se fait en présence d'un formidable patrimoine de connaissances accumulées historiquement. Les critiques sont souvent éloquentes pour condamner le mode de distribution des richesses matérielles d'un pays. D'où ce justicisme humanitaire à la mode dénonçant la pauvreté des populations par rapport au gâchis et à la dilapidation des ressources. Mais quelle voix se révolte contre cette immense perte de la richesse subjective, cette inutilisation suicidaire d'un savoir-vivre abondant, contre la détresse de la conscience et la misère du savoir chez les citoyens des pays les plus développés économiquement et les plus "démocratiques" politiquement ?
Cette traduction s'inscrit dans une démarche solitaire, peut-être éphémère, d'introduction des œuvres essentielles de la critique radicale des auteurs contemporains francophones dans une région du monde où les vestiges du despotisme oriental font encore rage. Rien d'étonnant que les noms comme Charles Fourier, André Breton, Raoul Vaneigem, Guy Debord, Annie Le Brun et tant d'autres soient inconnus sur le plateau d'Iran. Mais comment qualifier cette autre censure sans visage, se perpétrant par la fausse conscience et l'obscurantisme moderne qui fait que ces œuvres sont presque aussi méconnues et ignorées dans leur pays natal ?
Face à cet état du monde, contre cette hydre bicéphale de deux barbaries en connivence et en concurrence, contre le nihilisme et le cynisme des Relations internationales où les êtres et les choses ne comptent que comme les Affaires étrangères à but lucratif, contre cette civilisation mortifère et moribonde d'affairistes, il me faut un cordial quotidien réparant ma vivacité. Voilà en définitive ce qui motive ces traductions.
* Extrait inspiré de mon introduction à l'édition persane des textes de Guy Debord, puis à celle de la présente édition.
Behrouz Safdari
Février 2005
2
Le 16 novembre 2015, Georges Dallemagne, député fédéral belge, déclarait dans un entretien sur France Culture :
« On a parlé d’un certain laxisme à Molenbeek et il a certainement existé. Mais on a moins parlé d’un laxisme d’État qui existe en Belgique depuis les années 70 par rapport à l’Arabie Saoudite. Ça a commencé au moment du choc pétrolier et on a confié un bâtiment qui est devenu la mosquée du Cinquantenaire, sans contrôle, et qui a été un véritable cheval de Troie du Salafisme en Belgique et qui a fait le terreau du radicalisme en Belgique à partir des années 70 et ensuite il y avait les Frères musulmans à partir des années 90. »
Mais ce laxisme d’État n’est qu’un aspect de l’autisme généralisé d’un pouvoir économico-politique planétaire par lequel est entretenue l’organisation de l’apparence où se reproduisent les intérêts tant réels qu’illusoires des nantis et des dépossédés.
La quintessence des périodes de barbarie brune et rouge où l'on proclamait tout au long de XXe siècle : « Plus jamais ça !», constitue désormais la norme quotidienne d’une rationalité mercantile partagée par tous les enfants réconciliés de Staline et d’Hitler qui tiennent le gouvernail du capitalisme traînant sa barbarie criminogène ordinaire.
Cette barbarie banalisée dévastant la vie sur la Terre, en l’humain et entre humains, se construit sur la base d’une pollution mentale où le vrai et le faux sont les pile ou face de la même fausse conscience.
Toute tentative d’une écologie mentale est bannie et stigmatisée dès lors comme insensée par la pensée unique des adeptes de la dévastation rentable. Se heurte ainsi à la meute des têtes molles des ratiocineurs de l’Ordre établi toute volonté de dépasser le dictat du constat pour indiquer la racine des maux :
La planète est malade. Ce qui y règne est pathologique. Une pathologie chronique de dix mille ans. Son diagnostic est établi et engagé depuis fort longtemps. L’économie politique nommée capitalisme est un système dévastateur et mortifère. La tyrannie de la rentabilité marchande au profit d’une caste au pouvoir est maintenue au prix d’une destruction et autodestruction permanente. Le malaise est consubstantiel de cette civilisation et n’épargne ni les êtres ni les choses. L’état de terreur contre la vie en imposant une survie aléatoire et déshumanisante engendre en même temps des suicidaires et des meurtriers.
En deçà des fausses luttes spectaculaires des formes rivales du pouvoir séparé, et au-delà des unités et divisions dans l’organisation de l’apparence, la planète entière est le champ d’un même système de totalitarisme marchand.
S’il est évident que la Russie de Poutine n’est qu’un avatar de l’intégration du capitalisme d’Etat stalinien dans le mouvement du capital mondialisé, en revanche ce fait demeure encore dissimulé que le théofascisme islamiste est né dès son origine de la matrice géopolitique du capitalisme sans en être jamais sorti. Ainsi il est presque interdit de rappeler : le rôle actif de la diplomatie britannique en Egypte dans la constitution de l’organisation des Frères Musulmans ; le rôle de la diplomatie française dans la construction et l’imposition de la figure de Khomeiny en organisant l’installation de celui-ci à Neauphle-le-Château ; le rôle des conseillers militaires américains dans la transition du pouvoir après la chute du régime du Shah en 1979 en Iran et l’instauration d’un pouvoir islamiste ; le rôle de la CIA dans la création des Moudjahidine et d’Al-Qaeda en Afghanistan ; et surtout la création et le maintien du régime islamiste par excellence de l’Arabie Saoudite en tant que grand allié des pouvoirs occidentaux…
Il en va de même du fait que les trois principaux régimes théocratiques de la région (dont la constitution est basée sur la charï'a) à savoir le Pakistan, l'Iran et l'Arabie Saoudite, sont de facto soutenus par l'occident, l'Iran et le Pakistan étant en outre doté du nucléaire par l'industrie nucléaire occidental.
Le cas de la théocratie iranienne est à cet égard bien significatif : de même que la dictature de Pahlavi n’a cessé d’utiliser l’institution du clergé chiite contre les revendications sociales radicales, les pouvoirs occidentaux ont trouvé dans la théocratie répressive de Khomeiny le rempart contre la radicalisation du mouvement social, notamment à ses débuts pendant la guerre froide.
L’idéologie de Khomeiny, largement inspirée de celle des Frères Musulmans et de sa branche iranienne les Fedayin d’Islam, est la base de la constitution du régime théocratique en Iran. C’est à partir de l’instauration de ce régime que commence l’exportation du nouveau fondamentalisme islamique marquant le tournant de l’islamisation apparue dans les pays arabo- musulmans ainsi qu’au niveau international.
En dépit de presque quatre décennies d’un régime de terreur et de répression anachronique en Iran, les relations internationales avec ce régime ont toujours été dictées par la Raison d’état et l’affairisme.
Quant à l’apparition de l’État islamique de Daesh et son cortège d’horreurs, les faits sautent aux yeux. Plus qu’un sous-produit de l’ignorance et du despotisme oriental, ce monstre est coproduit par les mêmes laboratoires géopolitiques qui ont fabriqué Al-Qaeda et Ben Laden avec les pétrodollars accumulés en Arabie Saoudite et les Emirats arabes. Pourtant ce régime, est toujours soutenu et armé par tous les pays en mesure de vendre. Le théofascisme est produit par le technofascisme et leur conflit engendre un obscurantisme postmoderne rendant la société invivable.
Pendant longtemps les dictatures postcoloniales et leurs corollaires islamistes, cautionnés les uns et les autres par les pouvoirs occidentaux, n’ont cessé d’opprimer des populations. Les monstres étant désormais sortis de la bouteille, la mort et la terreur frappent partout.
La géopolitique du terrorisme révèle l'usage terroriste de la géopolitique. Avec ses coups fourrés, ses maladresses et ses réussites à court terme, celle-ci relève purement et simplement de la pratique mafieuse du partage des territoires rentables, de la protection menaçante, des alliances susceptibles d'être trahies.
Sous les drapeaux bigarrés du fanatisme religieux, du nationalisme, du tribalisme, c'est une internationale du profit qui règle en coulisse, un spectacle où les figurants meurent par milliers tandis que, dans l'impunité, les multinationales détruisent les ressources naturelles pour tirer un argent stérile de l'exploitation désastreuse du gaz de schiste, des gisements aurifères, du pétrole, du bitume, du tungstène et autres pollutions marchandes.
Tous les Etats sont impliqués dans des guerres mafieuses mais il n'y a en réalité qu'une seule et même guerre. Une guerre impitoyablement menée contre les populations de la terre entière.
Si l’État veut s'investir dans des conflits lucratifs, qu'il le fasse sans nous. Notre problème c'est de nous dépêtrer de cette guerre qu'il intensifie chaque jour en restreignant les dernières libertés individuelles, jadis arrachées par nos luttes d'émancipation.
Nous refusons de nous laisser mobiliser pour combattre une barbarie qui est le produit de la barbarie du mercantilisme mondialiste. Nous n'entrerons pas comme des pions sur l'échiquier du sacro-saint profit.
Assez de vies perdues dans la machinerie des spéculations boursières !
Après avoir mis à mal nos acquis sociaux, l’État, valet des multinationales, voudrait nous enrôler dans ses milices d'unité nationale. Eh bien non ! La seule communauté avec laquelle nous soyons solidaires, c'est celle des êtres humains, des êtres qui se comportent humainement, quelles que soient leurs idées, leurs croyances, leur origine géographique.
La désobéissance civile est un droit. La liberté de vivre est un droit.
Elle révoque la liberté de tuer, d'exploiter, d'opprimer, elle révoque les libertés que le commerce nous impose.
Il faut larguer l’État comme on largue les amarres. Seules des assemblées, des collectifs peuvent s’essayer à cette tâche. Ce n'est pas aisé mais quand le malheur vient de ceux qui prétendent faire notre bonheur, rien n'est plus indispensable que de le bâtir sans eux.
Solidarité sans frontière
[1] Allusion à un vers de Hâfez que l'on pourrait lire comme un éloge lyrique de la quête de soi – référence populaire, et donc suspecte, tant chez les lettrés que les illettrés persanophones.
[2] (b) Ce mot, synonyme d'« étranger » en persan, désignait d'abord étymologiquement, en référence au pays des Francs, la France puis toute l'Europe occidentale. Les premiers kaléidoscopes s'appelaient « chahr-e Farang », littéralement : cité de Farang, équivalent de la lanterne magique.
de L'Achèvement
Réalisé par Flocon de toile.