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Mouvement et contre-mouvement des passions

Les coursiers et la nuit, et les déserts semés d’embûches me connaissent, la guerre et les coups, le papier, la plume...
Al-Moutanabbi. Poète Iraquien, 915-965.

Deux temps incarnent particulièrement l’aventure et le changement, que l’archaïque chant, ou poésie, universel, populaire, illustre. Autant de passions dans ces deux périodes traversées par des crises, entre le 9e et le 13e siècles et au 18e siècle. La puissance poétique des nombreux et si différents acteurs qui témoignèrent par leur singularité, contaminèrent un temps le monde politique et économique, la loi et les mœurs. Chevaliers poètes d’Orient et ceux d’Occident, troubadours, cathares et leur démocratie, un monde en mouvement, bien avant l’arrivée des Tsiganes en Europe. Généralement éloignés des prédominances du catholicisme et de l’État, ils procèdent tous d’une conception singulière du monde, d’une démarche intellectuelle et spirituelle totalement opposée à celle de Rome et de l’État moderne naissant. Une dispersion aussi qu’incarna le Moyen Âge féodal contre l’écrasant un du pouvoir centralisateur, soit par la guerre des chevaliers, la poésie arabe ou troubadour, soit par le voyage des Tsiganes. Et bien plus tard, au 18e siècle, les Lumières et les bouleversements sociaux, la conscience historique, le phénomène du roman noir, Sade, son œuvre et les Gitans par le phénomène du flamenco. Cet aperçu sur la question des passions qui semble aujourd’hui un rendez-vous absent, comme emmurée dans une moderne Bastille surveillée par une étrange démocratie où le mensonge a plus de crédit que la vérité dit un proverbe gitan. Un parcours rapide sur trois périodes de l’histoire qui s’étendent du 9e siècle à nos jours. Trois crises majeures où s’exprima une liberté de la poésie universelle et singulière dans la vie, l’amour, la mort. Les passions ou question sur la séparation, mais aussi ses contre-réformes.

Représentations singulières aux 9-14e siècles, chevalerie, troubadour, cathare une démocratie qui ne supprime pas la singularité. Représentation démocratique aux 18-19e siècles, conflits entre singularité et démocratie. Représentation révolutionnaire, sociale et artistique au 20e siècle, avant-garde et individu : rapprochement entre singularité et démocratie. A l’orée du 21e siècle, crise de la représentation sans précédent -où même la guerre est des plus étrangement faite-. Crise de l’environnement, crise de la démocratie et de la singularité, crise intellectuelle et artistique. Le temps de la passivité unifié mondialement, en un même jour, même lieu, même décor, où les passions avaient investi la matière des choses et les techno-sciences. Comme si la lumière avait conquis les moindres plis et replis de l’âme humaine, et les moindres plis et replis des villes et du ciel noir ont été conquis par les rationnels satellites des télécoms. Un temps où se révèle que tout est faux et recouvre tout ce qui ne doit pas être su ni être vu, ni être entendu, le sensible sacrifié d’un temps taillé pour le malheur.

Il ne s’agit pas ici de rétablir des formes de sociétés qui ne sont plus, mais de poser des questions de notre temps pour notre temps, sur le singulier et la démocratie qui ne tuent pas le singulier, ni donc le mouvement des passions dans une démocratie qui n’est pas un but, mais un moyen d’émancipation de l’homme, du plus ancien et du plus moderne désir « pour éclaircir une nuit dont nous ne sommes pas encore sortis. Nuit sensible, nuit mentale mais aussi nuit morale. Qu’on ne s’y trompe pas, le noir est aujourd’hui encore une couleur neuve. » Annie Le Brun. 1

 

  • 1. Annie Le Brun, Les châteaux de la subversion. Editions Folio/essais. 1986.
Publié le 3/12/2009 par L'Achèvement