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Accueil » En tout état de cause, communes » 8- De retour sur Terre, c’est alors un monde fini, petit et dénué de centre
La conquête de l’espace est au point mort, cinquante ans plus loin, après l’envoi du premier homme dans l’espace. Une chute et un retour sur Terre comme on sort brutalement d’un rêve en ratant une marche. De retour, cinquante ans plus tard, la planète est totalement dévastée, étroite et bornée tant économiquement que géographiquement. L’humanité est seule dans un étrange face à face avec elle-même, parmi tous les effrayants problèmes que la société mondialisée ne surmontera pas. La majorité des populations est divisée en ghettos, en îlots séparés les uns des autres, enfermés et abrutis par la peur entretenue où chaque fois que l’on sort de son Moi, on entre à l’étranger. Triomphe du Je tyrannique sur le Nous totalitaire qui fait disparaître l’individu, sans pour autant que ce « Je » soit singularité, mais plutôt son renoncement qui, dans le même temps, fait disparaître toute communauté, le collectif. Des nouveaux apartheids de pestiférés tels les irradiés de Fukushima, aux populations des banlieues, des condamnés des nouvelles maladies ou du renouvellement des anciennes. La vie sur terre est devenue précaire, et à une époque où des individus d’une partie à l’autre du globe peuvent se rencontrer en quelques heures, le mode d'existence est devenu paradoxalement univoque. D’autres, fuyant leur région infestée par la guerre, la famine, la dictature, les catastrophes, se noient par centaines ou sont parqués en rétention derrière des hauts murs, en Palestine, en Europe et ailleurs. Partout le même constat, la majorité des femmes et, des hommes sont expropriés de leur vie sociale, mais aussi de leur tête et de leur corps, et les richesses accumulées sont entres les mains de quelques uns.
Il n’y a plus d’espace public où le vandalisme est l’une des expressions de cet exil.
L’escalade sécuritaire stimule une humanité étrangère à elle-même, et stimule le processus de production de choses et de technique de gouvernement. Le capitalisme peut-il être écologique ? Non, mais écologiste oui ! Car ça rapporte.
Les algorithmes génétiques « miment, avec des techniques algorithmiques, autrement dit avec des ordinateurs, les phénomènes d’adaptation des espèces aux conditions environnementales1. Ils simulent l’évolution de populations en se plaçant dans une perspective darwinienne, où les individus les plus adaptés se reproduisent et donnent à leurs enfants une partie de leur patrimoine génétique, tandis que les moins adaptés disparaissent sans descendance2. » Au dernier stade du déclin des scientifiques et intellectuels, ces célèbres Sages, soulèvent, sans humour, la question de la perpétuation de l’œuvre de l’homme dans le monde après que l’homme ait disparu : « Et comme, selon les philosophes, l’impératif éthique commande tout à la fois de se perfectionner et d’œuvrer au bonheur des autres, quoi de plus éthique que de fabriquer des machines intelligentes ! En effet, à défaut de contribuer au bonheur de nos congénères, les machines intelligentes attesteront de nos qualités et de notre perfection tout en se souvenant, pour des siècles et des siècles, de nos présences et de nos réalisations3. » Et cette annonce de Lyon citoyen, d’avril 2012 : « T’robots ! : Gros carton mondial pour la 2e édition d’Innorobo, salon européen de la robotique de service, à Lyon. (…) Humanoïdes plus vrais que nature et toute la clique internationale de nos futurs compagnons de la vie quotidienne (…). Trop fort, trop beau ! »
Alors que nous vivons de plus en plus éloignés de notre propre existence d’humain, une expérience presque trop loin de nous-mêmes pour être réellement sensiblement éprouvée et ressentie, nous sommes étrangement rapprochés de l’infiniment petit de l’atome, de l’immensément grand de l’espace, ou de la vie et des coutumes de reproduction des dinosaures dont les démonstrations scientifiques foisonnent dans la presse. « Mais comment l’Etat, l’appareil de la technocaste, pourrait-il renoncer au contrôle d’une technologie toute-puissante, si complexe et dangereuse, qu’à l’évidence on ne peut la mettre entre toutes les mains ? La centralisation, la hiérarchie, le secret, la militarisation, auxquels le nucléaire a servi de prétexte, feront fleur bleue auprès de l’absolutisme issu de la technologie du pouvoir suprême. Sans doute avons-nous déjà livré beaucoup de notre liberté aux technarques. Notre dépendance est à peu près totale pour l’énergie, l’eau, la nourriture, le logement, les soins, l’éducation. Raison de plus pour combattre ces projets d’asservissement ultime et redevenir, si peu que ce soit, nos propres maîtres4. »