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Accueil » En tout état de cause, communes » 5- Déracinement, isolement, abolition de l’expérience propre, singulière
« Où l’on pérorait, en avril 2010, sur "tout réinventer : la révolution numérique", "comment la recherche et l’innovation peuvent-elles sauver la planète ?", "l’école 2.0 : comment apprendre et enseigner à l’ère numérique ?" ou "comment la technologie modifie la manière dont on se pense ?"1 ». L’automation et le numérique qui sont entrés dans tous les aspects et rapports de la vie quotidienne et de la vie en générale, ont, en si peu de temps, adapté les attitudes et réduit la langue au strict nécessaire technique : cet « homme moderne » ainsi créé, n’étant plus l’homme distinct, et étant sans liberté, il n’aurait plus besoin ni de la parole ni de l’action pour se faire comprendre, il lui suffirait de signes tirés d’un novlangue informatique pour communiquer des désirs et des besoins immédiats et identiques à chacun. Désormais, des machines seraient nécessaires pour penser, agir, parler, jouer aux échecs, peindre, philosopher à notre place. Toutes ces qualités particulièrement humaines —et pas uniquement le travail— il ne serait plus utopique que des machines fussent capables de les exécuter beaucoup mieux que nous. Et la question n’est pas que cela soit ou non de la science-fiction, mais que ce délire d’ingénieurs et de scientifiques est en passe de devenir réalité. Ainsi Orwell notait : « seule notre époque, l’époque de la mécanisation triomphante, nous permet d’éprouver réellement la pente naturelle de la machine, qui consiste à rendre impossible toute vie humaine authentique2 ». Ce que le film d’animation Wall.e, des studios Walt Disney, met en scène quand il pétrit notre imaginaire pour nous rendre commun ce petit robot, autant « attendrissant » qu’un Bambi, qui, resté seul sur Terre nettoie et répare les dégâts de l’humanité. Développement durable de la planète intelligente : le système Eurosur et le développement de « frontières intelligentes » est la réponse de l’Union européenne, il s’agit là de deux nouvelles formes de contrôles des frontières, de technologies de surveillance pour gérer les flux migratoires et surveiller les frontières, érigent l’UE en forteresse3. La colonisation « intelligente » de l’imaginaire fabrique aussi la sensibilité « intelligente » de son temps « intelligent », notre temps !
L’idéologie religieuse du progrès, qui est toujours et systématiquement négatif pour le social, est une réalité artificielle de gauche et de droite où les « libertés démocratiques » sont un airbag sur lequel l’humanité flotte, d’un entertainement à l’autre, du Jardin d’Acclimatation aux organismes génétiquement modifiés, une vie artificielle dans une nature hypothétique. En France, la recette du purin d’orties biologiques est interdite, décision bureaucratique, elle ne peut être ni vendue ni diffusée4, et les villes surpeuplées connaissent de sérieux problèmes qui empoisonnent la vie des habitants : transports en commun insuffisants, l’automobile qui envahit les villes provoquant pollution, embouteillages et grosses difficultés de stationnement, l’eau potable ne cesse d’augmenter, les services sociaux sont débordés et le coût du logement atteint des sommets inaccessibles. Toute la création d’un monde par la destruction des conditions de vie, une garden-city sans saisons, bien au-delà de tout ce que les époques précédentes avaient pu imaginer ou rêver.
Deux cents ans de révolution industrielle qui, de sources officielles, a dévasté la planète, et l’a essorée des matières et des sources d’énergie fossiles, sédimentées et distillées depuis 4,5 milliards d’années, moins de soixante-dix ans de nucléarisation du monde (militaro-civile), de chimie agro-alimentaire, d’industrie pharmaceutique, d’urbanisation et d’organismes génétiquement modifiés : tous participent, avec le prodigieux accroissement de puissance « intelligente », permis par la recherche (publique ou privée), au même projet d’artificialisation de la vie et, de mécanisation des relations humaines. Loin de servir le bonheur et la liberté de chacun, ils manifestent l’ambition folle et les moyens fermes d’affranchir l’humanité de la nature, de soumettre le vivant. Ce futur-présent, empoisonnant et stérile comme ses semences OGM, et malgré tous ses laboratoires terrestres, est sans avenir.