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Photo Campbells : La procréation humaine et animale à l’époque de sa reproductibilité technique.
Texte collectif
Présentation
Dans une société cancérigène où le destin normal est de mourir du cancer, puisque les poisons infestent l’eau, l’air, les sols, l’alimentation, les chercheurs de l’INSA ne constituent pas une exception ; et d’ailleurs, les cancérologues ne manquent jamais de rappeler les causes « multifactorielles » de ces maladies – ce qui revient à exonérer toutes les causes particulières et repérées. Pièces et main d’œuvre1.
Comprenez, mon jeune ami, que je ne puis l’admettre : cela signifierait l’abolition de quarante ans de carrière scientifique. Gaïto Gazdanov2.
« Seulement je vois un risque de prendre parti contre les usagers, plutot que contre les producteurs et legislateurs à leur service, donc contre les conditions qui nous sont faites : un parti pris à l'envers. » Si, nous sommes contre toute manipulation du vivant et tout eugénisme, nous sommes tout autant opposés à l’exploitation et à l’instrumentalisation du corps des femmes, comme nous sommes fermement opposés à l’exploitation et à l’instrumentalisation du désir d’enfant ou la culpabilisation des « usagers » de la PMA. Nous sommes autant antihomophobes qu’anticapitalistes donc opposés à toute marchandisation. Ces quatre aspects : artificialisation, eugénisme, stérilité et marchandisation sont volontairement présentés de manière distincte, séparément les uns des autres, comme répondant à des logiques distinctes alors que tous participent de l’obsolescence croissante du vivant (dont l’humain) de sa liberté et de son autonomie. La procréation médicale assistée soumet les hommes et les femmes à une technocratie en blouse blanche, médecins, généticiens, experts, biologistes, qui du coup s’arrogent un pouvoir sur la procréation, il y a une perte d’autonomie des couples dans le domaine de la procréation. Par exemple il existe une procréation artificielle artisanale non marchande entre individus consentants, un don de corps à corps.
Mais qu’est-ce véritablement, ou que renferme, la PMA (procréation médicalement assistée) ? Et la FIV (fécondation in vitro) ? Et la GPA (gestation par autrui) ? Et finalement, pour quel projet ? La FIV et la GPA relèvent toutes deux de la procréation médicalement assistée, mais le fait est qu’elles sont néanmoins perfidement et trompeusement tenues distinctes, séparées, dans le non débat ambiant qui anime la presque totalité de la représentation politique ou associative, ainsi qu’un bon nombre d’intellectuels qui tous participent à mieux voiler l’artificialisation de la procréation humaine en cours, et l’artificialisation du vivant en général : l’artificialisation animale (production industrielle) et l’artificialisation végétale (OGM), artificialisations qui participent activement à l’infertilité croissante des populations mondiales ou à la stérilité des espèces animales (dont l’humain) et végétales (une production industrielle à but essentiellement lucratif). Ainsi, des associations LGBT3 qui critiquent la customisation de la culture gay et le mariage, l’embourgeoisement-intégration, dont celui de personnes de même sexe, ou la PMA-GPA, sans débat, sont homophobes, font le jeu de l’extrême droite, etc. ? Où est le débat ? « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » « Il reste entendu que tout progrès scientifique accompli dans le cadre d’une structure sociale défectueuse ne fait que travailler contre l’homme, que contribuer à aggraver sa condition4. » André Breton.
Ici, ni la gauche ni la droite et ni les extrêmes, sont bien les seuls à ne pas être divisés, unanimes à présenter leur résignation complice et complète, sur cet aspect de la bioéconomie, sans critique et sans contrepartie, de don des donneurs d'échantillons humains (ovocytes, gamètes, sperme, embryons, etc...) sans contre-don pour et quand la majeure partie de l’humanité n’a pas accès aux soins élémentaires. Le procédé de l’économie de la PMA-FIV-GPA relève du rationalisme de l’économie néolibérale, une nouvelle division des tâches, induites dans la procréation : il y a celui qui donne son sperme, celle qui donne ses ovocytes ou embryons et celles qui reçoivent, et il y a les biobanques, les laborantins, les médecins, les juristes : « et vos envies prennent vie !5 » Le corps-marché dans le monde où, pourtant, clame-t-on, « l’humain n’est pas une marchandise ».
Il existe des pratiques de procréation artisanale qui ne relève pas du rationalisme néolibéral. L'insémination faite par des femmes chez elles, toutes seules, en dehors de tout cadre médical, cette pratique artisanale n’est pas considérée comme PMA, opposée à l’institutionnalisation scientifico-étatique. Cette pratique, cette solidarité non marchande, du don de corps à corps, n’est pas une manipulation du vivant (tri sélectif de spermes, de gamètes, d'ovocytes) : elle n’est pas eugéniste. Quand à l’économie du don réel, non marchand, elle participe de la structuration du lien social dans ses multiples dimensions. Conçu comme un fait social total, le don suppose un système de réciprocité, une logique du contre-don dont la fonction sociale et politique. Le don n’est pas une chose, il est toujours une relation sociale, et sociétale, qu’il est vain de vouloir réduire aux éléments qu’il relie.
Mais la société modernisée se caractérise par la manipulation, la marchandisation et la stérilité totale des biens communs, de la vie et du vivant, par le renouvellement incessant des technologies toujours plus délirantes, et toujours plus inutiles comme les grands projets d’urbanisation inutiles, tel que l’aéroport de Notre-Dame des Landes, le barrage de Sivens (Tarn) ou l’OL land à Lyon. La société modernisée se caractérise aussi, et surtout, par le secret6 de ce qu’elle fait réellement, par le contrôle généralisé et le faux sans réplique. La « société de la consommation », ou consumérisme, concentre la critique la plus répandue, la plus visible, voire la plus pittoresque de la dénonciation critique de la marchandisation, mais la marchandisation elle, reste, et, est, avant tout le contrôle généralisé de l’humanité. La marchandise, c’est le contrôle, qui se poursuit et s’amplifie avec la bénédiction des technologies. Dans un moment où il est devenu impossible de faire la moindre objection au discours techno-marchand7, dans un moment où la société modernisée croit qu’elle n’a plus besoin de penser, ni de se justifier, il est évidemment tragique que la société humaine, qui se heurte à de si terribles problèmes, croit dans le même temps que personne n’a à penser ni à trouver à redire au progrès techno-scientifico-marchand, quel que soit le sujet. Et bien entendu, sur les technosciences, tout ce qui peut être fait doit être fait, toute nouvelle technologie, récompensée, doit être employée et acceptée par tous sans contestation. « Plus rien ne vous retient », dit une publicité.
Autant de points que nous voulons développer sur ce sujet, PMA-FIV-GPA, et qui bien entendu s’opposent radicalement aux gesticulations nauséabonde de type « Manif pour tous ». Ainsi, nous avons une toute autre conception de la modernité, diamétralement opposée à celle dominante, pour, qui, la modernité doit être faite de technologies et d’appareillages divers, c’est-à-dire l’assujettissement de la pensée et du corps, la mise à mort de notre liberté et de notre autonomie, présentée comme une avancée, un bienfait, un confort, une assistance, un progrès, une amélioration de nos conditions de vie. Une distinction doit être clairement être faite entre notre pouvoir (procuré par les nouvelles technologies) et notre puissance, finalement nuls, car les technologies nous empêchent de développer nous-mêmes des compétences autonomes. La modernité que nous souhaitons est à la fois ancienne et nouvelle, elle est faite du vivre ensemble, de don-contre-don, elle s’exprime en dehors des schémas de pensée et d’action du capitalisme, du racisme, des classes sociales, du sexisme et de l'homophobie. Opposée à toute domination, à l’exploitation des uns par les autres, notre modernité est une lutte pour l’émancipation, qu’elle soit ancienne : patriarcat, sexisme, homophobie etc., ou moderne : salariat, société de classes, exclusions, accumulation de dispositifs de dépossession ; ultramoderne : de contrôle des foules, pesticide, nucléaire, brevetage du vivant, technologies.
La colonisation des corps, dernier bastion encore non conquis, mais en voie de conquête Obsolescence des choses, obsolescence de l’humain, le recyclage généralisé, est un texte collectif, qui, nous l’espérons, est une autre pierre critique jetée sur la pensée obligatoire et dominante. Elle représente également une contribution aux ouvrages cités ci-dessous, et s’appuie sur d’autres textes et livres, dont on trouvera les références en notes bas de page. Ce texte se présente en quatre chapitres :
Les populations superflues, leur obsolescence programmée à l’heure de la privatisation et la commercialisation du vivant.
Considérations critiques autour de la reproduction artificielle, des animaux humains et non-humains. Le catho intégriste, le généticien et l'ingénieur.
Mythe de l’excellence corporelle et de l’égalitarisme. Performance physique augmentée et, « droit » ou « désir » d’enfant.
Développement du recyclage citoyen par le travail gratuit. Recyclage de la citoyenneté par le travail gratuit.
Le texte en totalité, voir ci-dessus, au format pdf
Avertissement : Si nous citons tel ou tel site, livre et autre document, comme références, ce n’est pas parce que nous sommes en accord sur tout, nous pouvons avoir des points de désaccords. Mais c’est aussi, et surtout, afin que chacun puisse lire et faire ses propres jugements critiques sans laisser à d’autres le soin de le faire à sa place. Aucune représentation, qu’elle soit une organisation politique, associative etc., aucun proche, homme ou femme, ne peut substituer toute critique et jugement à la place de quiconque. C’est à chacun que revient le libre examen de toute question, et doit pouvoir s’exprimer, argumenter librement en toute autonomie.
La génétique c’est du bluff ? Sauf lorsqu’il s’agit de business,
de contrôle social : code civil, code barre, code génétique.
Livres et textes qui nous ont servis :
-Céline Lafontaine, sociologue et féministe matérialiste, Le Corps-marché. La marchandisation de la vie humaine à l'ère de la bioéconomie, Seuil, 2014.
-Jacques Ellul, Le bluff technologique, Pluriel. 2012.
-Alexis Escudero8, La reproduction artificielle de l’humain, Edition Le monde à l’envers. 2014.
-Bertrand Louart, Le vivant, la machine et l’homme. Le diagnostic historique de la biologie moderne par André Pichot et ses perspectives pour la critique de la société industrielle, publié en 2013, disponible sur http://sniadecki.wordpress.com/2013/06/07/louart-vmh/
-Pièces et main d’œuvre, Cancer à l’INSA, publié en juillet 2014, disponible sur
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Cancers_a_l_INSA.pdf
-Pièces et main d’œuvre, Progrès technologique et regrès social et humain, publié en juin 2014, disponible sur
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Progre_s_technoscientifique_e...
-Pièces et main d’œuvre. La reproduction artificielle des animaux non-humains. Publié en 2014, texte réalisé par l’un des réalisateurs du très bon documentaire « Mouton 2.0 : la puce à l’oreille ». Texte disponible sur
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/La_reproduction_artificielle_...
-Pièces et main d’œuvre, Quel éléphant irréfutable dans le magasin de porcelaine ? (Sur la gauche sociétale-libérale), publié le 24 mars – 24 avril 2014, disponible sur
http://www.piecesetmaindoeuvre.com/IMG/pdf/Elephant.pdf
Notes :
2 Chemins nocturnes, 2002. Editions Viviane Hamy.
3 Notamment au Canada.
4 Le Figaro littéraire, 12 octobre 1946.
5 Publicité d’un commerce de bricolage.
6 Le secret n’est pas le complot.
7 Nous pouvons rendre grâce aux Pièces et maind'œuvre de s’y être si justement attaqué.
8 L’auteur, Alexis Escudero, participe depuis plusieurs années au mouvement de critique des technologies. Peut-être est-on de la dernière génération d’enfants nés, et non pas produits.