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9- Militarisation, centralisation, secret : Hiroshima, Tchernobyl, Fukushima

iPad2, tous à la file pour la tablette Apple. « iPad2, tutti in fila per la tavoletta Apple » Tract diffusé lors du référendum italien du 12 juin 2011, sur le nucléaire, l’eau et la justice

Extrait : « Si le catastrophisme représente ce qu'il y a de plus moderne dans la bureaucratisation en cours, le pacifisme en incarne le côté le plus archaïque. Caricature œcuménique de l'internationalisme du mouvement prolétarien du XIXe siècle et de l'antimilitarisme qui avait accompagné sa résurrection pendant les tentatives révolutionnaires des trois premières décennies du XXe siècle, le pacifisme a été un des principaux instruments employés par les totalitarismes de toute couleur pour s'assurer une pénétration idéologique dans le champ adverse. Il a constitué la justification de la comédie de la non-intervention des principales puissances dites démocratiques dans l'Espagne révolutionnaire assiégée par les franquistes, massivement appuyés par l'Allemagne nazie et par l'Italie fasciste, pendant que le stalinisme la désagrégeait de l'intérieur avec l'aide d'autres forces républicaines. On sait comment cela a fini : les staliniens se libérèrent de manière sanglante de leurs adversaires anarchistes et poumistes, pour encaisser le pacte Ribbentropp-Molotov, qui laissait les mains libres aux grandioses programmes nazis d'expansion. 

«Un fait particulier dans la biographie de Sarkozy en dit long sur son expérience dans la manipulation médiatique. En 1987, il était chargé de mission pour la lutte contre les risques chimiques et radiologiques en sein du Ministère de l'Intérieur. À ce titre, Sarkozy a été de fait conseiller à la "communication" du gouvernement sur les conséquences de la catastrophe [de Tchernobyl]. Peu de gens, sauf les victimes du cancer de la thyroïde, se rappellent l'énormité des mensonges officiels à cette occasion -le nuage radioactif s'était arrêté à la frontière, il n’y avait absolument rien à craindre, etc.» (“L'Achèvement”, Conditions modernes de la domination, 2008).

Ainsi1, puisque l’ordre du jour est à la paix, on oublie le nucléaire «civil», pour évoquer seule et bien mal à propos la guerre nucléaire (l'affiche d'Einstein date d’ailleurs de 1955 et non de 19412) : ainsi dans les mobilisations de l'opinion, la main droite ne sait pas ce que fait la gauche, celle d'un samedi oublie celle du samedi précédent.

Demander à Sarkozy comme équitablement à Kadhafi de «cesser le feu, d'arrêter la guerre, la violence, la répression3 », c'est déjà apprendre à s'en remettre à eux, ça serait comme invoquer une Protection Civile qui sache mieux contrôler tous les désordres : des réfugiés, aux explosions nucléaires, aux révoltés.

Les Egyptiens sont depuis peu remplacés dans le spectacle de l'actualité parce qu’ils ne sont pas encore réduits en victimes à secourir: ils ont agi, et peu pacifiquement, pour démanteler leur «service de sécurité ».

Nous avons encore plus de bureaucraties de protections à éliminer, et avec elles toutes les productions qui les rendent si indispensables.

Italiens, encore un effort si vous voulez être républicains...

Rome, le 2 avril et le 12 juin 2011. »

Texte intégral en français et lien pour le texte en italien : www.abbastanzanormale.it.

 

Chronique du désastre de Fukushima

« ”Pour ne pas affronter une mort présente comme jamais encore dans la réalité nucléaire, on en fait le principe bâtisseur. On mise sur une reprise de la vie, celle-ci dût-elle s’appuyer sur les forces de mort4”. "Il n’y a pas de “menace nucléaire”". Il y a actualité, effectivité et réalisation. Dans le temps de la fin, le genre humain devient producteur d’apocalypse. Nous sommes affligés de voir combien, face au néant, certains se réfugient dans un culte du sapeur-pompier martyr qui satisfait la grande soif qu’a le monde entier pour l’image d’un Japon sacrificateur quand le sacrifice, c’est celui du peuple japonais qui pour une part pleure sous la neige aujourd’hui, et qui pour l’autre part mourra demain, après-demain, et encore après-demain. Ce peuple japonais doit demander justice pour haute trahison, non des dieux ou de la nature, mais des responsables irresponsables. Des coupables donc5. »
Nadine et Thierry Ribault : « Chronique du désastre de Fukushima. Encyclopédie des nuisances, 2012.) Comme chacun s’en souvient, un tremblement de terre, un raz de marée et, un accident nucléaire ont frappé la région de Fukushima, au Japon, en mars 2011. En suivant les initiatives de Wataru Iwata, fondateur d’une association appelée "”Projet 47”", visant à faire en sorte "”que les gens accèdent à l’information juste et exacte et prennent conscience de ce qui est véritablement en train de se passer”", les auteurs retracent la chronique des événements qui ont suivi le déclenchement de l’accident à la centrale de Fukushima – tergiversations du gouvernement et de l’entreprise responsable de la centrale, désinformation de la population, à qui l’on ne cesse de répéter qu’il n’y a aucun danger –, et rappellent la manière dont l’industrie du nucléaire "”pacifique”" a été promue par le gouvernement japonais depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en collaboration avec les États-Unis, afin de rendre non seulement acceptable mais désirable une technologie que les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki avaient marquée du sceau de l’infamie. L’ouvrage met en lumière le rôle joué par des organisations mafieuses ou semi-mafieuses telles que la Fondation Sasakawa dans la négation des conséquences des catastrophes de Tchernobyl et de Fukushima sur la santé des populations, ainsi que le rôle joué par les yakuza dans l’assistance aux populations immédiatement après la catastrophe, se substituant à des "”pouvoirs publics”" étatiques et locaux totalement dépassés par les événements. Sont également remis en question un certain nombre de clichés concernant ce qu’il est convenu d’appeler la culture japonaise, qui rendrait la population particulièrement apte à se résigner à une sorte de fatalité. La réalité est fort différente, comme l’attestent notamment les pillages constatés après la catastrophe, ainsi que les sentiments de désespoir et de panique qui animent de larges couches de la population. »

  • 1. Ce chapitre et les suivants, font référence à un tract distribué lors de la manifestation “pour la paix”, du 2 avril à Rome.
  • 2. La citation d'Einstein non datée, distribuée lors de cette manifestation “pour la paix”, laissait penser qu’elle faisait référence à la guerre contre Hitler, alors qu’elle renvoyait à Hiroshima.
  • 3. Idem : la bonne conscience pacifiste faisait un appel aux deux parties, Kadhafi et Sarkozy, pour la paix et pour le bien du peuple Libyen.
  • 4. Annie Le Brun. Perspective dépravée, la Lettre volée. 1991.
  • 5. Nadine Ribault (écrivain) & Thierry Ribault (chercheur au CNRS et à la Maison franco-japonaise de Tokyo), « Le cœur qui tremble, lettre à un ami de Kyoto », Libération, 23 mars 2011
Publié le 2/08/2012 par L'Achèvement