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11- Sans retour en arrière

Disparaissent l’irremplaçable prolétariat, l’ouvrier, le bon peuple, le système gauche-droite, tout ce qui maintenait une certaine rationalité, et offrait une explication cohérente du système dominant qui n’est plus le même sans être tout à fait un autre —mais où la prolétarisation s’est étendue dans le monde—. Le héros de l’histoire n’est donc plus le prolétariat, ni l’ouvrier, dissous avec la Chute-du-Mur. Moishe Postone affirme : « La lutte contre le capitalisme est donc une lutte entre l’homme et la valeur, et non entre le prolétariat et la bourgeoisie, […]. De la même façon, la bourgeoisie n’est pas le "poste de commandement du capitalisme", mais une simple élite de fonction au service de la domination de la valeur1 ». Anselm Jappe poursuit : « Tous les antagonismes prétendus d’antan, le prolétariat et le capital, le travail et l’argent accumulé risquent de disparaître ensemble, enlacés dans leur agonie : c’est la base commune de leur conflits qui est en train de disparaître2. » George Orwell prolonge : « C’est que le machinisme n’entraîne pas seulement à sa suite la dissolution progressive de l’expérience humaine, il transforme radicalement son environnement3. » 

Un futur-présent sans avenir, le no future du monde étroit et fermé qui est entré en fermentation, nous condamnerait-il à un « retour en arrière4 » ? Ce va-tout est traversé d’hésitations, de contradictions et des reculs de la part de conservateurs, de gauche comme de droite et des milieux gauchistes et écologistes. Tentation ou panique chez quelques uns des néo-réformateurs intellectuels, alors que d’autres formes de critiques et de pratiques sociales ont commencé à se formuler vivement et internationalement. D’un autre côté, dans ce désastre capitaliste, des conservateurs (au sens philosophique commun, non pas au sens politique de néoconservateur) seraient portés à être des alliés de circonstance des contestataires les plus radicaux, d’un large mouvement contestataire étendu à toute la planète. Mais en finalité, en réalité, tout oppose les uns et les autres : si les uns rêvent du paradis perdu travail-famille-patrie du « capitalisme raisonné », d’une « humaine » société de classes, en nouveau réformateur, les autres dans leur diversité rêvent d’abolir ce système si négatif, qui a mené là, si loin, le désordre et la déshumanisation. 

L’histoire du capitalisme est celle de l’homme, qui se jette du haut d’un immeuble de dix étages, et qui lorsqu’il arrive au niveau du premier étage, dit : jusqu’ici tout va bien

  • 1. Moishe Postone, Marx est-il devenu muet ? Face à la mondialisation, l’Aube, 2003.
  • 2. Anselm Jappe, Crédit à mort, Lignes, 2010, p. 123 et p. 121
  • 3. Bruce Bégout, De la décence ordinaire, Allia, 2008
  • 4. En référence à Jean-Claude Michéa, Le complexe d’Orphée. La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Climats, 2011.
Publié le 3/08/2012 par L'Achèvement